Route portuaire

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« Ils vont travailler la peur au ventre »

D. K.

Un à un, les syndicats tirent la sonnette d’alarme. Lundi, la CFTC s’y est mise, alertant sur l’insécurité de l’A16 et la rocade portuaire. « Est-ce qu’on va laisser une famille se tuer ? », enrage Karine Descharles, responsable de la section syndicale d’Eurotunnel, insistant sur les salariés qui « vont travailler la peur au ventre », la peur d’écraser un exilé, la peur de percuter un tronc d’arbre ou autre objet mis sur les voies par les migrants pour tenter de créer des bouchons et monter à bord des camions. « Il est temps d’en parler ! »

UNE SALARIÉE SOUS LE CHOC APRÈS UN ACCIDENT LE 15 JUIN 2016

Elle embraie aussitôt. « Le 15 juin, une collègue qui prenait son poste à 5h s’est retrouvée face à divers obstacles au niveau de l’hôpital, sur l’A16. Elle a vu quelqu’un sur le bas-côté de la route, s’est déportée et a percuté un tronc d’arbre ! » Et d’enfoncer le clou, sur le traumatisme subi : « Aujourd’hui, elle n’a plus de voiture, elle est très choquée et est en arrêt de travail. En deux mois, c’est arrivé à cinq collègues dont des intérimaires. » Tous sont unanimes, « il y a un climat de peur » , peste Robert Martel, de l’Antenne de la CFTC du Calaisis. « Des personnes prennent cette route tous les jours. Il n’y a pas que nous ! » Leur message est clair : ils craignent « des morts », « des drames ».

ASSAUT ROCADE : QUI PAYE ?

Depuis l’ultrasécurisation du port et du tunnel, le passage vers la Grande-Bretagne est de plus en plus difficile. Le moyen gratuit le plus répandu pour passer : l’assaut de camion sur la rocade ou l’autoroute. Et tous les risques qui vont avec. La rocade et l’A16 sont « tous les soirs le théâtre de débordement », assure Jean-Paul Coppin, trésorier national de la CFTC police et fonctionnaire à la PAF. Quand un automobiliste percute un tronc d’arbre, « c’est généralement le train avant qui prend. Les véhicules sont immobilisés, ou carrément irréparables. » Des dégâts qui empêchent certains salariés « d’aller travailler », ajoute Karine Descharles. « Et le problème de responsabilité ! Qui paye ? » Selon eux, les incidents se multiplient. «Aujourd’hui, ça devient dangereux d’aller bosser ! »

La CFTC fulmine et veut une « prise de conscience », craignant « un drame ». « C’est bientôt les vacances, il va y avoir du monde sur les routes » , explique Karine Descharles. Les mesures de l’État : plus de barrière, de grilles, la diminution de la vitesse sur l’autoroute sont «des cache-misère ». « Monter des grillages ne (résout) pas le problème. Ils s’adaptent. Ça redescend sur le nœud entre l’A26 et l’A16, transmarck etc. Le problème ne fait que reculer ! » , soupirent Jean-Paul Coppin et Jean-Louis Van Kalck, président de la CFTC police. «L’État est dans l’obligation d’assurer la sécurité des biens et des personnes ! » Après les derniers assauts sur la rocade, la CFE-CGC est aussi montée au créneau, affirmant qu’ « un cap a été franchi avec le changement de stratégie des migrants ».

Et de relancer le débat sur la nécessité du retour de l’éclairage de l’A16, concédant que « ça ne résoudra pas le problème ». Jean-Paul Coppin râle : « Ça devient la normalité d’avoir peur en allant travailler. » Écraser un migrant ? « Après, il faut vivre avec ça sur la conscience ! » Rien qu’en juin et juillet l’an passé, 12 exilés sont morts en tentant de passer en Angleterre. Sur l’année, plus de vingt personnes sont décédées. Dont certaines percutées mortellement par des chauffeurs routiers ou des particuliers.